La décision Fraser est « troublante » selon l’avocat principal représentant les TUAC Canada au forum de la Canadian Foundation for Labour Rights

Paul Cavalluzo, conseiller juridique principal des TUAC Canada dans l’affaire Fraser, aborde la décision de la Cour suprême lors du séminaire de la Canadian Foundation for Labour Rights

Le professeur de droit, Michael Lynk, parle de l’impact de la décision Fraser sur le mouvement syndical.

La conclusion de la majorité des juges de la Cour suprême du Canada quant à la décision Fraser est « troublante à bien des égards », déclare Paul Cavalluzzo, avocat principal représentant les TUAC Canada dans l’affaire qui a été entendue à la Cour suprême, lors d’un séminaire sur le droit du travail et les droits de la personne tenu récemment à Toronto. 

La décision de la Cour suprême dans l’affaire Fraser, qui a été publiée le 29 avril, concerne la Loi sur la protection des employés agricoles (LPEA) dont la constitutionalité est contestée par les TUAC Canada du fait que cette loi prive les travailleurs agricoles de l’Ontario des droits à la négociation collective.

« La cause des travailleurs agricoles semble malheureusement être perdue dans une bataille politique de plus grande envergure qui échappe à leur contrôle »,  ajoute Cavalluzzo prenant la parole lors du séminaire The Labour Movement After Fraser parrainé par la Canadian Foundation for Labour Rights (CFLR). Le séminaire, auquel ont participé près de 30 personnes, soit des universitaires éminents du droit du travail, des avocats spécialisés en droit du travail et des dirigeants syndicaux, a été organisé par la CFLR afin d’étudier les répercussions de la récente décision de la Cour suprême dans le dossier Fraser sur le mouvement syndical canadien et de définir une stratégie d’action. Le Syndicat national des employées et employés généraux du secteur public (SNEGSP) et les TUAC Canada font partie des syndicats qui guident la CFLR.

La Cour suprême a rejeté la demande des TUAC Canada. La majorité des juges ont déclaré la LPEA constitutionnelle, faisant valoir qu’elle prévoit une obligation de négocier.   

« Les grandes entreprises et les gouvernements se servent de la cause des travailleurs agricoles pour faire valoir qu’on est allé trop loin dans l’affaire BC Health Services pour protéger les droits à la négociation collective, protection qui est garantie par l’alinéa 2(d) de la Charte des droits et libertés. Une lecture des jugements permet de s’en rendre compte. En fait, dans la plupart des jugements, il s’agit surtout de déterminer s’il y a lieu d’annuler la décision rendue dans l’affaire BC Health Services sans tenir compte du vaste dossier illustrant la situation critique des travailleurs agricoles, qui font partie des groupes de travailleurs les plus vulnérables du Canada », de dire Cavalluzzo, un des avocats de droit constitutionnel, de droit du travail et de droit administratif parmi les plus influents du pays.

« À notre avis, la décision de la Cour suprême est un coup dur pour les travailleurs agricoles, dont bon nombre sont davantage victimisés en tant que travailleurs migrants et font partie des travailleurs les plus vulnérables du Canada », de dire le président national des TUAC Canada Wayne Hanley alors qu’il présidait le principal groupe de discussion du séminaire. « La décision dit essentiellement que la LPEA est constitutionnelle. Alors si vous l’aimez pas, allez changer le gouvernement et la loi. Ce qui est plutôt ironique, car beaucoup de travailleurs agricoles sont des travailleurs migrants et des travailleurs étrangers temporaires qui n’ont pas droit de vote au Canada. Ceci dit, nous avons une élection qui s’en vient en Ontario et je peux vous assurer qu’en tant que syndicalistes nous allons utiliser tous les outils dont nous disposons pour que les droits des travailleurs agricoles deviennent un important enjeu électoral. ».

La CFLR est une voix nationale engagée à la promotion des droits ouvriers comme atout important pour renforcer la démocratie, l’égalité et la prospérité économique au Canada et sur la scène internationale. Un des principaux objectifs de la CFLR consiste à créer une approche plus cohérente et plus coordonnée pour les actions en justice du mouvement syndical et à sensibiliser davantage le public afin de lui permettre de mieux comprendre les droits ouvriers en tant qu’élément essentiel des droits de la personne.

Outre le confère Hanley et M. Cavalluzzo, plusieurs autres conférenciers ont commenté la décision et ses répercussions pour le mouvement syndical, parmi lesquels le professeur de droit Michael Lynk, qui a situé la décision Fraser dans un contexte historique. Selon M. Lynk, il s’agit d’un pas en arrière pour la Cour suprême et sa tendance antérieure à « insuffler de la vie » dans l’article 2 de la Charte des droits et libertés et à reconnaître les droits ouvriers comme droits de la personne.  

La CFLR publiera un rapport sur le séminaire au cours des prochaines semaines.