McGuinty suspend la démocratie en Ontario

Que Dalton McGuinty annonce qu’il quitte ses fonctions de premier ministre de l’Ontario provoquant du coup une course à la chefferie au sein du Parti libéral le vainqueur deviendra le nouveau premier ministre de la province est une chose. Mais pourquoi doit-il proroger la législature jusqu’à l’élection du nouveau chef?

Lorsqu’on proroge la législature, tous les travaux parlementaires s’arrêtent, tout est mort. Tous les projets de loi, qu’ils soient d’initiative gouvernementale ou parlementaire, sont abandonnés peu importe l’étape ils se trouvent dans le processus d’approbation. Toutes les questions à débattre par les neuf comités permanents de l’Assemblée législative meurent. Il n’y a plus de période de questions pour demander des comptes au gouvernement.

La prorogation a une fonction légitime dans notre système parlementaire. Elle permet à un gouvernement de mettre fin à une session législative à la fin de son programme législatif et de se préparer pour une nouvelle session et un nouveau programme. Mais ces derniers temps, on assiste à un véritable galvaudage du processus de prorogation. Stephen Harper a prorogé le Parlement en décembre 2008 pour empêcher une défaite de son gouvernement sur une motion de non confiance. Il a récidivé en 2009 pour mettre un terme à une enquête sur le traitement des détenus afghans.   

Quelles sont donc les vraies raisons qui ont poussé Dalton McGuinty à recourir à la prorogation? Se pourrait-il que cela soit une stratégie pour faire taire les accusations d’outrage portées contre son ministre de l’Énergie pour manquement au devoir de fournir des documents concernant l’abandon par les Libéraux, pour des motifs politiques, de certains projets de centrales électriques lors de la dernière élection – une décision qui a laissé aux contribuables une facture de plusieurs centaines de millions de dollars, ou est-ce peut-être l’enquête dans le fiasco des ambulances aériennes (l’affaire Ornge)? Se pourrait-il que cela soit en raison de son incapacité à faire des compromis pour faire fonctionner un gouvernement minoritaire? Ou, est-ce parce qu’il s’est rendu à l’évidence que s’il allait de l’avant avec son projet de loi protégeant les services publics sans modification, il irait certainement vers une défaite forçant la tenue d’une élection?

Le but de la prorogation n’a jamais été de permettre aux gouvernements d’éviter des votes de non confiance, de retarder des rapports par des agents du Parlement, d’échapper à des questionnements et à des contrôles ou d’esquiver des responsabilités pour des questions concernant les politiques publiques ou l’administration.   

Pour le moment, la démocratie parlementaire est en veilleuse en Ontario et ne sera pas rétablie tant que le Parti libéral n’aura pas un nouveau chef.   

Comme l’a dit Peter Russell, un spécialiste renommé en droit constitutionnel au Canada, conseiller de gouverneurs généraux et professeur émérite en sciences politiques à l’Université de Toronto : « quand la démocratie parlementaire est réduite à tout ce qui fait l’affaire du gouvernement au pouvoir, nous ne sommes pas bien loin de la perdre. »