Blogue politique – Le discours du Trône et l’œuvre du gouvernement de Doug Ford : un voyage à rebours dans le temps

Toronto, 16 juillet 2018 – En Ontario, le nouveau gouvernement provincial, formé par les progressistes-conservateurs de Doug Ford, voudrait faire voyager la province à rebours dans le temps.

C’est du moins ce que toute personne qui observe de près l’évolution de la situation serait fondée à croire en voyant la façon dont il agit jusqu’à présent et après avoir écouté le discours du Trône par lequel s’ouvrait la première session de la présente législature à Queen’s Park.

Au mépris des changements climatiques, M. Ford avait déjà annoncé la mise au rancart du programme de participation de l’Ontario au système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre. Dans l’immédiat, cette décision entraînera la perte des 100 millions de dollars en revenu tiré du plafonnement et de l’échange de droits qui devaient servir à financer la réparation de l’infrastructure en décrépitude des écoles publiques de la province. Ajoutons à cela quelques autres reculs dans le même ordre d’idées : la suppression des remises destinées à encourager les travaux de rénovation des logements se faisant dans une optique écoénergétique et celle des primes à l’acquisition d’un véhicule fonctionnant à l’électricité et à l’installation de bornes de recharge électrique. En outre, à cause de l’annulation de ces mesures, il y a des industriel(le)s qui pourraient poursuivre le gouvernement provincial, ce qui risquerait de lui coûter cher. Il pourrait également devoir supporter des coûts considérables en traînant le gouvernement fédéral devant les tribunaux en raison de sa volonté déclarée de s’opposer au projet de celui-ci qui consiste à lever une taxe sur les émissions de gaz carbonique, l’Ontario revenant effectivement sur ses initiatives en matière de lutte contre les changements climatiques. Quant à ce que le gouvernement de Doug Ford envisagerait d’y opposer pour s’attaquer à ces derniers, le discours du Trône n’allait rien en révéler.

Le discours du Trône, précisément, répétait fidèlement la déclaration de l’intention d’éliminer la récente mise à jour du programme d’éducation sexuelle suivi dans les écoles de l’Ontario pour le remplacer par celui qui datait de 1998, époque où ni les médias sociaux ni la notion de la cyberintimidation n’existaient encore et à laquelle les couples formés de gens du même sexe n’avaient toujours pas le droit de se marier. Selon toute vraisemblance, on cessera aussi d’y enseigner tout ce qui concerne le consentement à l’acte sexuel.

De plus, dans le discours en question, on faisait allusion au retour de certaines méthodes de surveillance policière. Il en résulte qu’on pourrait revoir la pratique de la vérification de l’identité des gens effectuée au hasard, qui touchait d’abord et avant tout les jeunes n’ayant pas la peau blanche, la police les interceptant de façon arbitraire pour les interroger sous le prétexte d’une conduite suspecte.

M. Ford a aussi juré de supprimer les progrès que les travailleuses et les travailleurs à faible salaire venaient d’obtenir et, donc, de leur causer un tort considérable en annulant la hausse du salaire minimum à 15 $ l’heure, que le gouvernement précédent avait fait adopter. De même, il s’en était pris à eux en faisant le serment de forcer les grévistes de l’Université York à retourner au travail, ce qui aurait pour effet de violer les droits garantis aux travailleuses et travailleurs en vertu de la constitution du pays.

Également, en permettant la vente de bière et de vin dans les dépanneurs comme il a promis de le faire, Doug Ford pourrait éventuellement faire disparaître de bons emplois occupés par des syndiqué(e)s, ce qui, par ricochet, nuirait aux milieux de vie que ces dernières et ces derniers soutiennent actuellement à leur manière. Dans le discours du Trône, on signalait aussi l’intention de faire reculer les services publics en annonçant la création d’une « commission d’enquête » sur les finances de la province : il s’agit là d’un procédé auquel ce sont généralement les gouvernements de droite qui ont recours en vue de justifier leur projet de réduire les services publics de façon draconienne. Justement, d’un autre côté, on n’y précisait pas comment le gouvernement de M. Ford allait s’y prendre pour compenser les pertes de revenu se chiffrant en milliards de dollars qu’il subira sans aucun doute à cause de ses réductions d’impôt et de son choix de se priver en partie d’autres sources de revenu. Tout en négligeant aussi de faire mention des peuples autochtones et des changements climatiques, le même discours ne contenait pas la moindre phrase en français.

Comme on ne pourrait qu’avoir tendance à le croire dans ces conditions, le nouveau gouvernement aimerait faire retourner la province tout entière vers le passé au lieu de voir en face la réalité de l’Ontario actuel et la diversité qu’il présente. Si l’on passe ainsi les quatre prochaines années à faire marche arrière, il se peut que le trajet s’avère particulièrement périlleux.