L’importance capitale du système laitier selon un chef syndical national

Commentaire de Paul Meinema, président national du syndicat des Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce du Canada (les TUAC Canada)

Ottawa – 14 septembre 2018 – Si les expertes et les experts autoproclamés ainsi que les femmes et les hommes politiques du camp ultraconservateur avaient les coudées franches pour faire ce qu’ils veulent, ils agiraient de manière à ce que nous soyons toutes et tous écœurés de notre système de gestion de l’offre.

En outre, ils voudraient nous faire croire que le système de gestion de l’offre de la production laitière qu’on pratique chez nous, au Canada, constitue une arnaque et que la seule façon de remédier au problème serait de le remplacer par un système plus conforme que l’actuel à un modèle qu’on suit au sud de notre frontière.

Or, à vrai dire, le système de gestion de l’offre est bénéfique. Il protège la souveraineté alimentaire du Canada, notre système alimentaire national, et, certainement, les intérêts des consommatrices et consommateurs, qui sont aussi parmi les contribuables. Il protège également les intérêts des travailleuses et travailleurs, ceux des agricultrices et agriculteurs et ceux des bénéficiaires des services universels comme les soins de santé.

Les gens qui, en le critiquant, cherchent à dénigrer le système laitier canadien affirment que le prix de détail du lait est beaucoup plus élevé au Canada qu’il ne l’est dans les pays où les marchés laitiers ne sont pas réglementés, comme les États-Unis. Cependant, ils reconnaissent rarement (pour ne pas dire jamais) que les gens qui vivent aux États-Unis paient deux fois lorsqu’ils se procurent un carton à lait. En effet, là-bas, on le paie d’abord à l’épicerie en tant que consommatrice ou consommateur et, en quelque sorte, on le repaie à titre de contribuable.

S’il en est ainsi, c’est que les productrices laitières et les producteurs laitiers des États-Unis en sont venus à dépendre de l’argent des contribuables pour survivre. De fait, chaque année, ils reçoivent plus de quatre milliards de dollars en subventions. Il s’agit bien là d’une forte somme qui pourrait servir à financer les soins de santé, l’éducation, la sécurité de la retraite et les services de garde d’enfants.

En revanche, le gouvernement canadien ne verse aucune subvention pour la production laitière.

Bref, ce que les détracteurs veulent nous faire croire par leur argumentation ne correspond pas tout à fait à ce que l’on constate dans les différences de coût des produits laitiers à l’épicerie. Selon un récent rapport de la société Nielsen, le prix moyen du fromage cheddar au Canada est de 13,98 $ le kilogramme (2017); il est donc légèrement inférieur à la moyenne états-unienne, qui est de 14,81 $ le kilo. Il va est de même pour le beurre : 9,34 $ le kilo au Canada par rapport à une moyenne de 10,77 $ le kilo aux États-Unis. Quant au lait, les gens du Canada ont payé de 4,00 $ à 6,00 $ pour un sac de quatre litres l’année dernière tandis que ceux des États-Unis en payaient 1,12 $ le litre (ou 1,64 $ le litre pour le lait sans hormone de croissance recombinante bovine).

En Chine, en Nouvelle-Zélande et en Australie, les consommatrices et les consommateurs paient respectivement 2,58 $, 1,83 $ et 1,57 $ pour un litre de lait.

Non seulement le système laitier canadien permet aux gens du pays, qu’ils en détiennent la citoyenneté ou la résidence permanente, d’épargner de l’argent, mais il apporte une contribution importante à son économie. Dans sept des dix provinces canadiennes, la production laitière est l’une des deux plus grandes industries agricoles et, au total, chaque année, c’est à hauteur de plus de 20 milliards de dollars qu’elle contribue au PIB (produit intérieur brut) du Canada.

En tant que chef du grand syndicat des travailleuses et travailleurs du domaine canadien de l’alimentation, je peux vous affirmer que le secteur laitier donne de bons emplois à quelque 220 000 vaillants travailleurs et travailleuses de diverses régions du pays. Bon nombre d’entre eux sont syndiqués et sont fiers de l’être. Ils ont de bons salaires et avantages sociaux et dépensent leur argent chez les petites entreprises de leurs localités respectives.

Toutefois, l’enjeu dont il s’agit là n’est pas simplement d’ordre économique. Il y va de notre souveraineté nationale. À cause de l’idéologie ultraconservatrice, nous avons déjà perdu d’importantes infrastructures telles que des autoroutes au profit de consortiums étrangers établis en Europe. Nous avons permis aux conservateurs de Stephen Harper de rester les bras croisés pendant que des entreprises privées établies au Brésil acquéraient nos mines de nickel. D’ailleurs, il conviendrait de se demander si les gens des États-Unis accepteraient de vendre leurs mines à une puissance étrangère.

Nous ne pouvons pas permettre qu’une autre importante ressource nationale, cette fois-ci notre secteur laitier, soit affaiblie ou perdue pour des raisons liées à une idéologie irresponsable. Et si l’on s’en prend à notre système de gestion de l’offre à cause des produits laitiers, on peut certainement s’attendre à ce que le secteur avicole soit la prochaine cible.

Nous, les Canadiennes et les Canadiens, nous devons être bien conscients que notre système alimentaire représente notre plus grande ressource. Nous ne pouvons pas permettre que des idéologues et des dénigreurs professionnels jouent au plus fort avec notre secteur laitier. Il est temps plus que jamais de faire bien comprendre au gouvernement canadien ainsi qu’à celles et à ceux qui sont chargés par celui-ci de renégocier l’ALENA que notre secteur laitier n’est pas négociable.

Paul Meinema est le président national du syndicat des Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce du Canada (les TUAC Canada, à l’adresse www.tuac.ca), organisation représentant plus d’un quart de million de personnes qui travaillent dans tous les domaines de la production et de la vente des aliments ainsi que dans d’autres secteurs d’une importance capitale de l’économie canadienne tels que ceux des soins de santé et de la sécurité.