L’argument de Pierre Poilievre en ce qui concerne la formule Rand est sans fondement

Ottawa – 7 février 2013 – Dans un article intitulé « Unions ignore the Rand Formula » (les syndicats font fi de la formule Rand), qui a été récemment publié dans le numéro du 6 février du Financial Post,  le député conservateur Pierre Poilievre fait preuve d’une grande myopie à propos de la formule Rand et d’une compréhension limitée du rôle important que joue le mouvement syndical dans la société canadienne

M. Poilievre induit la population en erreur en affirmant catégoriquement que « les dirigeant(e)s syndicaux n’aiment pas tellement la formule Rand ». L’affirmation de M. Poilievre est sans fondement d’autant plus que rien ne prouve qu’il ait même eu à s’entretenir avec un dirigeant syndical ou un syndiqué.

Il est un fait que la capacité de participer à la négociation collective est liée au principe de la formule Rand. Selon cette formule, le syndicat est responsable de tous ses membres et qu’étant donné que tous les membres bénéficient des gains réalisés par le syndicat à la table de négociation ou ailleurs, ils devront donc tous y contribuer de façon égale. Personne ne devrait en bénéficier gratuitement. Le juge de la Cour suprême Ivan Rand en est venu à cette sage conclusion en 1946 lors de l’arbitrage d’une grève des employé(e)s de la Compagnie Ford du Canada.   

Un examen des dispositions de la décision rendue par le juge Rand permet de constater que, contrairement à l’affirmation de M. Poilievre, un système de prélèvement obligatoire des cotisations syndicales y est prévu pour les besoins de nature générale du syndicat.  

Dans les arguments avancés à propos de la formule Rand, M. Poilievre semble ne pas pouvoir sortir des vieilles ornières des années 1940. Il ne tient pas compte du fait que le rôle des syndicats dans la protection des salaires et des conditions de travail de leurs membres est de plus en plus affaibli par les nouvelles réalités qui caractérisent l’économie mondiale comme la capacité de mobilité transfrontalière dont bénéficient les entreprises, l’empressement de divers gouvernements (y compris celui de Stephen Harper duquel fait partie M. Poilievre) à adopter des lois privant les travailleurs de leurs droits de négociation et de grève. Ces nouvelles donnes obligent les organisations syndicales à s’engager dans la politique pour protéger leurs membres et les familles de ces derniers.                               

Selon un vieux dicton, les syndicats ne peuvent pas oublier la politique, car la politique ne les oublie pas. Pour les syndicats et les membres qu’ils servent, il n’y a rien qu’on puisse réaliser à la table de négociation que la loi ne puisse emporter en ayant recours à la déréglementation, à la privatisation, au libre échange ou à des attaques politiques directes. Citons à titre d’exemple les propos dignes des politiciens de l’Alabama que tient le chef du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario Tim Hudak au sujet de la législation sur le droit de travailler à salaire inférieur. Un autre cas typique est le mépris flagrant dont fait preuve le gouvernement Harper à l’égard des droits civils en utilisant les institutions étatiques pour éliminer les droits de négociation collective des employé(e)s d’Air Canada, de la Société canadienne des postes et du Canadien Pacifique. Pour les employé(e)s de la Société canadienne des postes, la loi de retour au travail imposée par les conservateurs de M. Poilievre stipulait des salaires plus bas que la pire offre de leur employeur.

Au lieu de s’attaquer aux organisations syndicales et à leurs membres, les politiciens comme M. Poilievre, M. Hudak et M. Harper devraient réfléchir au rôle indispensable que les syndicats jouent dans notre société. Les syndicats font partie des plus importantes institutions de la société civile. Ils promeuvent la démocratie au travail ainsi que la justice et l’égalité économiques et sociales. Ils permettent d’acquérir des droits et les instruments nécessaires pour exercer ces droits. Ce sont des écoles de démocratie où les travailleurs et travailleuses apprennent qu’ils ont le droit de participer aux décisions qui les touchent et qui touchent leurs collectivités.  

L’un des rôles les plus importants que jouent les organisations syndicales dans la société d’aujourd’hui est celui de combattre l’inégalité croissante. Il y a un lien étroit et fort bien documenté entre le déclin de la syndicalisation et l’inégalité croissante. Le Fonds monétaire international et l’Organisation de coopération et de développement économiques ont tous deux confirmé que la négociation collective centralisée est le meilleur mécanisme pour renforcer la classe moyenne. En un mot, lorsque les travailleurs et travailleuses, par l’intermédiaire de leur syndicat, peuvent négocier librement pour des salaires, des rentes et des avantages sociaux décents, ils s’engagent dans un processus qui profite à l’ensemble de la société. 

M. Poilievre n’a pas su reconnaître que les syndicats sont des institutions démocratiques. Toutes les décisions sont prises démocratiquement par le biais de la participation des syndiqué(e)s, qu’il s’agisse de voter pour quelqu’un à la tête du syndicat, d’établir des ententes de négociation collective ou de déterminer quelle forme que prendra l’action politique.  

Un des anciens présidents américains, Franklin D. Roosevelt, a dit un jour : « L’une des caractéristiques de tout pays libre et démocratique est qu’il soit doté d’organisations syndicales libres et indépendantes. » M. Poilievre devrait peut-être prendre à cœur le conseil du président Roosevelt et devenir un défenseur de la démocratie au lieu de chercher à la détruire.