Le virus du Nil occidental
Qu’est-ce que le virus du Nil occidental?
Comment le virus se propage-t-il?
Quels sont les substituts aux pesticides?
Qu’est-ce que le DEET? Est-il sécuritaire?
Le virus du Nil occidental : une défense mortelle
Le traitement est-il plus dangereux que la maladie? Lorsqu’il est question de la prévention du virus du Nil occidental dont sont porteurs les moustiques, nombre des militants pour la santé, la sécurité et l’environnement au sein des TUAC Canada répondront oui à cette question sans la moindre hésitation — c’est-à-dire, si le traitement envisagé se résume à une utilisation massive de pesticides.
Mandatées par les gouvernements provinciaux, la plupart des villes canadiennes ont déjà administré des larvicides comme le méthoprène sur des sites jugés propices à la naissance et au développement des moustiques (ex. égouts pluviaux et bassins hydrologiques) dans les secteurs à forte densité de population. Les larvicides sont des substances chimiques conçues sous forme de granulés ou de briquettes pour prévenir la croissance des moustiques, c’est-à-dire pour empêcher les larves de devenir adultes. Ils sont censés être sans danger pour les humains et les animaux.
Mais aujourd’hui, incitées par le battage médiatique, certaines municipalités envisagent des mesures encore plus draconiennes. Dans ces circonstances, « pulvériser » les secteurs à forte densité de population de pesticides ou d’adulticides comme le malathion sera l’arme de choix. Les adulticides sont appelés ainsi parce qu’ils sont conçus pour tuer des moustiques adultes.
Le scientifique et communicateur David Suzuki traduit les points de vue de nombreuses personnes qui s’opposent à ces « armes » comme suit : « Répondre d’une manière aussi forte est encore probablement beaucoup trop exagéré. »
Récemment, même le président de la Commission ontarienne des droits de la personne s’est attardé sur cette question. Dans une lettre adressée au ministère de la Santé, le président de la Commission écrit : « Le Ministère ainsi que toute municipalité chargée d’appliquer les règlements régissant l’utilisation des insecticides chimiques ont le devoir de répondre aux besoins des personnes écologiquement fragiles. Tout manquement à ce devoir risque de constituer une infraction au Code. »
Favorisant une vision à plus long terme, beaucoup de personnes proposent plusieurs autres mesures de prévention qui ne compromettront pas notre santé ou la salubrité de notre environnement. D’autre part, le virus du Nil occidental ne partira probablement pas de sitôt, en raison notamment du réchauffement climatique. Les experts en changement climatique prévoient des hivers plus chauds et des étés chauds et secs au Canada. Ces conditions météorologiques sont des terrains fertiles pour les maladies infectieuses exotiques comme le virus du Nil occidental et la malaria.
Qu’est-ce que le virus du Nil occidental?
Le virus du Nil occidental appartient à une famille de virus appelée Flaviviridae. Il fut isolé pour la première fois en 1937 dans le district du Nil occidental de l’Ouganda. La première flambée enregistrée en Amérique du Nord s’est déclarée aux environs de la ville de New York en 1999.
Au Canada, c’est en Ontario où le virus fut découvert pour la première fois chez les oiseaux, soit en 2001. Le premier cas chez les humains fut confirmé en 2002.
Comment le virus se propage-t-il?
Le virus du Nil occidental est transmis aux humains par la piqûre d’un moustique infecté. Un moustique devient infecté après s’être nourrir du sang d’un oiseau porteur du virus (ex. : le corbeau, le moineau ou le geai bleu). L’espèce de moustique la plus courante connue comme porteuse du virus est le Culex pipiens (maringoin domestique). Les Culex pipiens sont en grande partie des moustiques urbains et suburbains qui sont particulièrement actifs à l’aube et au crépuscule. Ils aiment se cacher dans les hautes herbes et les broussailles près des lieux habités où l’on trouve par exemple des maisons et autres types de bâtiments.
Les Culex pipiens se reproduisent dans l’eau stagnante, en particulier dans l’eau contenant des matières organiques en décomposition (débris végétaux, déchets d’origine animale) que l’on trouve dans les pneus, les gouttières, les pataugeoires, les bains d’oiseaux, les pots à fleurs, les contenants pour jardin et les barbecues. Les oiseaux sont leur proie préférée. Cependant, ils sont connus comme des moustiques qui piquent les humains et les animaux domestiques lorsqu’ils ne trouvent pas d’oiseaux. Les Culex détectent les humains par la vue (ils observent leurs mouvements), par la radiation infrarouge qu’émettent les corps chauds, et par les signaux chimiques (le dioxyde de carbone, l’acide lactique et autres substances chimiques les attirent).
Environ deux semaines après qu’un moustique devient infecté, il est capable de transmettre le virus aux humains et aux animaux en les piquant. Le virus du Nil occidental est également transmis aux humains de divers autres moyens (transfusions sanguines; transplantations d’organes et de tissus; lait maternel; d’une femme enceinte à son nourrisson à naître; piqûre d’une aiguille ou petites coupures dans le cas des travailleurs de laboratoire manipulant des spécimens infectés).
Rien n’indique que le virus du Nil occidental se propage par le contact de personne à personne. De même, il n’existe jusqu’ici aucune preuve à l’effet qu’un travailleur peut contracter le virus en traitant des patients infectés du virus.
Quels sont les symptômes?
Nombre de personnes qui deviennent infectées ne présentent pas de symptômes et ne sont pas malades. Certains présentent des symptômes bénins. Lorsque l’infection rend effectivement le sujet malade, les symptômes apparaissent généralement au bout de 2 à 15 jours. L’étendue et la gravité des symptômes varient grandement d’une personne à l’autre.
Les symptômes bénins sont divers : fièvre, maux de tête, corps endolori, éruptions cutanées et hypertrophie des ganglions lymphatiques.
Symptômes graves. À la lumière des expériences passées, les scientifiques rapportent que généralement moins de 1 sur 1 000 personnes piquées par des moustiques infectés ne présente aucun signe clinique de maladie. La plupart des personnes qui présentent effectivement des symptômes de maladie n’éprouvent pas les symptômes plus graves d’encéphalite. Cependant, jusqu’à 10 % des personnes qui sont effectivement atteintes de l’encéphalite peuvent décéder de la maladie.
Certaines personnes ont un système immunitaire plus faible, ce qui fait qu’elles sont plus à risque d’éprouver de graves symptômes et problèmes de santé comme la méningite et l’encéphalite. Ces cas graves peuvent être mortels. Dans ces cas les symptômes peuvent inclure des maux de tête sévères, une forte fièvre, des raideurs de la nuque, des vomissements, un état de somnolence ou de confusion, une perte de conscience, une faiblesse musculaire et une paralysie.
Le virus étant une affection nouvelle, les effets à long terme des cas de maladies sont encore mal compris, mais les études réalisées à ce jour montrent que des problèmes de santé prolongés sont possibles. Ces problèmes peuvent comprendre des effets physiques (faiblesse musculaire et paralysie à long terme) et des effets cognitifs (confusion, dépression et perte de mémoire). Les scientifiques ne savent pas pourquoi certaines personnes se rétablissent tandis que d’autres ne s’en sortent pas.
Il n’existe pas de traitement spécifique ni de médicaments, ni de guérison pour le virus du Nil occidental. Alors qu’il existe un vaccin capable de protéger les chevaux du virus du Nil occidental, les scientifiques travaillent actuellement sur un vaccin capable de protéger les humains.
Quels sont les risques?
Le risque de devenir infecté du virus du Nil occidental est le plus élevé durant la saison des moustiques (de la mi-avril à la fin d’octobre), mais c’est entre la fin de juillet et le début d’août que les risques d’exposition sont les plus préoccupants. Selon les scientifiques, cela prend aussi longtemps pour que le virus contamine les populations d’oiseaux. La bonne nouvelle est que les populations de moustiques sont déjà en déclin à ce moment-là. Les chances que vous soyez piqué par un moustique porteur du virus sont relativement minces. Parmi les rares cas de personnes qui se font piquer, seulement environ 20 % présenteront des symptômes mineures ressemblant à ceux de la grippe. Moins de 1 % seront atteintes de maladies graves.
Quoi qu’il en soit, les humains sont plus exposés dans les régions où le virus a été décelé. Dans le cas des travailleurs, ceux qui travaillent en plein air, qui manipulent des cadavres d’oiseaux ou d’animaux, ceux qui travaillent dans les laboratoires ou dans les abattoirs de volaille, ceux qui travaillent à proximité des lieux qui se trouvent près des bassins d’eau stagnante, des mares, des auges, des fossés d’irrigation et des citernes pluviales courent peut-être un plus grand risque. Beaucoup de ces travailleurs sont des membres des TUAC Canada.
En Amérique du Nord, plus de 4 000 personnes sont tombées malades l’année dernière après avoir été infectées par le virus du Nil occidental. À ce jour, près de 1 000 personnes ont cherché à se faire traiter pour le virus du Nil occidental dans la province de l’Ontario. Trois-cent-sept cas confirmés, 83 cas probables et 18 décès ont été enregistrés l’été dernier. Hors de l’Ontario, deux autres cas de décès canadiens ont été enregistrés au Québec.
Pour replacer les choses dans leur contexte, quelque 60 000 Canadiens meurent de cancer chaque année et 2 000 autres meurent de grippe. Entre-temps, les commissions d’indemnisation des travailleurs du Canada reconnaissent chaque année quelque 900 cas de décès de travailleurs au total, alors que les estimations les plus prudentes chiffrent à 5 500 par année les décès du cancer professionnel en grande partie « non reconnus » (autrement dit non indemnisés).
Les pesticides comme l’adulticide et le malathion posent des risques très réels de problèmes de santé chroniques. (Comme nous le verrons plus loin, les insecticides en pulvérisation à base de DEET d’usage fort répandu ne sont pas sans risque, eux non plus.)
Par exemple, les pesticides peuvent nuire à un grand nombre d’enfants et d’adultes qui souffrent de problèmes respiratoires ou de maladies environnementales. Le malathion est publicisé comme l’un des pesticides organophosphoré les plus inoffensifs, mail il a été lié à des anomalies congénitales, des taux accrus d’asthme, des attaques contre le système nerveux, des cas de leucémie infantile et de perturbation endocrinienne. À de très fortes concentrations, cet adulticide peut également causer la paralysie ou le décès.
Le malathion a également des effets nocifs sur l’environnement. Bien qu’il ait été conçu pour tuer les moustiques, il tue aussi les abeilles et les papillons nocturnes. Ceci pourrait nuire à l’équilibre fragile de nos écosystèmes avec des conséquences encore inconnues.
Quels sont les substituts aux pesticides?
Bien que le risque ne soit pas élevé, la prise de mesures est justifiée. Comme tous les risques, c’est à la source qu’il faut s’attaquer au virus du Nil occidental, si l’on veut obtenir le meilleur résultat possible. (Si l’élimination du problème de réchauffement climatique dépasse le cadre de ce bulletin, l’élimination des moustiques avant qu’ils ne deviennent adultes ou avant qu’ils ne se reproduisent ne l’est pas.) Pour ce faire, il faut éliminer les sources d’eau stagnante — la principale aire de reproduction des moustiques porteurs de maladies. Voici ce qu’on peut faire :
- Jeter les pneus et les contenants qui contiennent de l’eau stagnante.
- Enlever les contenants extérieurs où s’accumule l’eau de pluie.
- Nettoyer les gouttières, les fossés et les auges en enlevant toutes les feuilles qui s’y trouvent au printemps et en automne.
- Éliminer l’eau stagnante des toiles qui recouvrent les piscines et vider les piscines extérieures qui contiennent de l’eau stagnante (chlorer l’eau des bassins).
- Éliminer l’eau stagnante des poubelles, des seaux, des brouettes, des chariots et des toiles imperméables.
- Percer des trous dans les boîtes de recyclage pour drainer l’eau.
Certains recommandent une bactérie de sol appelée Bti (Bacillus thuringiensis israelensis) comme larvicide naturel et plus sécuritaire. Apparemment, cette bactérie est sans danger pour les humains, les animaux domestiques, les poissons ou les oiseaux, mais elle peut être nocive pour certaines espèces d’insectes.
On devrait prendre toutes les dispositions nécessaires pour que les moustiques qui ne sont pas éliminés à leur source n’entrent pas dans l’aire de travail ou de logement. S’assurer que toutes les fenêtres et les portes sont couvertes d’un grillage en bon état pour empêcher les moustiques d’entrer. Couper l’herbe haute ou les mauvaises herbes qui poussent près des bâtiments servant de lieux de travail, des cours d’école et des parcs. Des trucs comme les aimants à moustique (attirent et détruisent les moustiques en émettant du dioxyde de carbone, de la chaleur et de l’humidité); les Bug Zapper électriques (attirent les moustiques par une lumière bleue et les tuent); ou les lampes anti-insectes extérieures de couleur jaune sont également utiles pour tenir les moustiques en échec.
Les travailleurs de laboratoire qui manipulent des spécimens devraient appliquer les précautions universelles pour le sang et les liquides corporels comme dans le cas des autres maladies infectieuses.
Les employeurs peuvent aider à protéger d’autres travailleurs en établissant les horaires de travail de manière à éviter l’aube, le crépuscule et le début d’après-midi pour les travaux extérieurs. D’autre part, les travaux extérieurs s’exécutent mieux sous des températures fraîches, venteuses ou ensoleillées. Les travailleurs devraient également porter des vêtements protecteurs comme des chemises à manches longues et des pantalons grande longueur. Dans certains cas, il peut s’avérer nécessaire d’insister pour que l’employeur fournisse des vêtements anti-insectes (en mailles avec poignet et capuchon élasticisés); et des chapeaux moustiquaires (protégeant la tête, le visage et le cou).
Santé Canada recommande l’usage d’insectifuges qui contiennent du DEET. Mais il existe sur le marché des insectifuges sans DEET qui contiennent de la citronnelle, de la lavande ou de l’essence d’eucalyptus, de l’huile de bain Skin-So-Soft d’Avon et de l’huile de soya, tous des produits d’utilisation très agréable. Les scientifiques sont également en train de faire des expérimentations avec un composant de la tomate appelé IBI-246, la pipéridine que l’on trouve dans le poivre noir, et l’herbe à chat, tous des substances qui sont censées repousser les moustiques.
Enfin, tous les travailleurs qui risquent d’être exposés à des moustiques devraient recevoir une formation sur les risques que présente le virus du Nil occidental et la manière de prévenir le virus. Communiquez avec votre section locale ou le bureau national des TUAC Canada pour vous renseigner sur les programmes d’éducation offerts.
Qu’est-ce que le DEET? Est-il sécuritaire?
DEET est le nom vernaculaire qu’on utilise pour N,N-diethyl-meta-toluamide. Les produits à base de DEET sont destinés à protéger contre les piqûres d’insectes et de tiques. DEET ébranle la capacité des insectes qui piquent à déceler la source de dioxyde de carbone, qui attire les moustiques et autres insectes vers nous. Le DEET ne tue pas les insectes. Il les déstabilise tout simplement de sorte qu’ils perdent leur capacité à repérer leur proie pendant quelques heures.
Santé Canada, l’Organisation mondiale de la santé, et Centers for Disease Control and Prevention aux États-Unis recommandent les insectifuges à base de DEET comme étant sécuritaires pour les humains. Mais ils insistent pour que les consommateurs suivent les directives des fabricants. Selon l’Agence des États-Unis pour la protection de l’environnement, les produits à base de DEET sont conçus seulement pour une « utilisation modérée et occasionnelle. »
Les adultes ne devraient pas utiliser des produits qui contiennent plus de 30 % de DEET. Pour les enfants, la teneur en DEET ne devrait pas dépasser 10 %. Il ne faut jamais appliquer ces produits sur des femmes enceintes ou des nourrissons. Le DEET ne devrait pas être appliqué directement sur les mains, le visage ou une peau éraflée. Il ne devrait pas être utilisé sous les vêtements. Toutes les parties de la peau qui sont traitées devraient être lavées avec de l’eau et du savon dès le retour à l’intérieur.
Dans de rares cas, l’utilisation du DEET a été associée à des réactions cutanées et neurologiques chez les humains, réactions qui affectent le système nerveux central. Selon certaines observations faites par l’EPA en 1998, l’exposition à des concentrations aussi faibles que 15 % ou moins a causé des problèmes de santé aigus dont l’encéphalopathie, accompagnés des symptômes de faiblesse, de désorientation, de crise épileptique et, dans de rares cas, de décès.
NOTE DE LA RÉDACTION :
Nous tenons à remercier le Centre de santé et sécurité des travailleurs et travailleuses de l’Ontario pour cette publication.