Deux travailleurs agricoles migrants perdent la vie en Ontario mais les exploitants agricoles n’en sont pas tenus responsables

Un procès pour lequel des audiences de trois jours devaient se dérouler à Walkerton (Ont.) a été annulé conséquemment à une transaction pénale intervenue dans une cause ayant trait à deux travailleurs migrants jamaïcains qui ont péri après avoir été exposés à des vapeurs toxiques lorsqu’ils travaillaient à une ferme située à Ayton, en Ontario. Paul Roach, âgé de 44 ans, et Ralston White de 36 ans, tous deux originaires de la Jamaïque, sont décédés le 10 septembre 2010 alors qu’ils travaillaient au verger de pommiers de culture biologique Filsinger. Ils tentaient de réparer la pompe d’une cuve à cidre lorsqu’un gaz toxique les a asphyxiés.

À la suite d’une enquête sur les décès menée par le ministère du Travail de l’Ontario,

Debra Ann Becker, Shaun Ronald Becker, Cory Richard Becker, les exploitants de l’entreprise agricole, et Brandon Weber, un superviseurdevaient subir un procès prévu le 11 janvier face à des accusations multiples en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST) de l’Ontario, notamment l’absence de formation, d’équipement et de plan de sauvetage pour des travailleurs oeuvant dans un milieu clos dangereux tel la cuve à cidre de la ferme.

Néanmoins, grâce à une entente intervenue le 10 janvier, on a retiré toutes les accusations contre les exploitants. Weber, le superviseur, a plaidé coupable à une seule accusation et a écopé d’une amende de 22 500 $.

« C’est une terrible insulte pour les familles des victimes et pour le droit à la sécurité de tous les travailleurs agricoles en Ontario », de dire Wayne Hanley, le président national des TUAC Canada (Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce), le plus important syndicat du secteur privé au pays. « On envoie le message à l’industrie agricole qu’en versant quelques dollars, on peut faire abstraction de la sécurité quand il s’agit de la vie d’un travailleur agricole. »

Depuis plus de deux décennies, les TUAC Canada mènent une campagne visant des droits égaux en matière de travail et de santé-sécurité pour les travailleurs agricoles. En association avec l’Alliance des travailleurs agricoles (ATA), ils gèrent également dix centres de soutien pour travailleurs agricoles dans l’ensemble du pays, dont quatre en Ontario. Le syndicat réclame une enquête de coroner subséquemment aux décès du 10 septembre 2010.

« Tout au long de son enquête, le ministère du Travail a refusé nos demandes de renseignements sur l’accident mortel en vertu de la Loi sur l’accès à l’information », poursuit M. Hanley. « En fin de compte, la transaction pénale balaie la vie de deux hommes innocents, tandis que les propriétaires de l’entreprise agricole sont libres de mener leurs opérations malgré ces deux décès tout à fait évitables. »

Sept des huit chefs d’accusation retirés contre les accusés portaient sur des règlements de la LSST relatifs à la sécurité dans les espaces clos, comme la cuve à la ferme Filsinger. Bien qu’il ait étendu les protections de la LSST aux travailleurs agricoles en 2006 — découlant directement d’une bataille juridique des TUAC Canada — le ministère du Travail n’a jamais inclus les règlements spécifiques aux milieux clos.

« Combien d’autres décès de travailleurs agricoles faudra-t-il avant que les règlements spécifiques à la sécurité agricole soient inclus dans la LSST, comme ils le sont déjà pour d’autres industries? », demande le chef des TUAC Canada. « Comment explique-t-on aux familles de Paul Roach et de Ralston White qu’ici en Ontario, l’industrie traite les règlements sur la sécurité des travailleurs agricoles comme une sorte d’inconvénient? »