Blogue politique : Pour les premiers ministres conservateurs, l’idéologie l’emporte sur la sécurité publique

Toronto – 7 décembre 2020 – Le manque d’action concrète de la part des premiers ministres conservateurs de l’Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba et de l’Ontario dans la lutte contre la deuxième vague de la pandémie de COVID‑19 montre que les préoccupations politiques l’emportent sur les préoccupations de santé publique lorsque les conservateurs sont au pouvoir.
 
Si toutes les provinces ont pris des mesures pour lutter contre le coronavirus au cours de la première vague de la pandémie, beaucoup ont été trop promptes à lever les restrictions afin de relancer l’économie. Chaque province avait été avertie par les expert(e)s en santé publique que la deuxième vague de la pandémie serait nettement plus grave que la première. Mais les premiers ministres conservateurs semblent avoir ignoré les avertissements et ne sont pas disposés à prendre les décisions difficiles ou à écouter les expert(e)s de la santé en raison de leur propre idéologie politique.

En voici un exemple : L’Alberta a maintenant le plus grand nombre de cas de COVID‑19 au Canada, bien qu’elle soit la quatrième province la plus populeuse. Le premier ministre Kenney, cependant, continue de refuser de mettre en place les restrictions nécessaires. À la mi-novembre, malgré l’augmentation rapide du nombre de cas, d’hospitalisations et de décès, M. Kenney n’est même pas apparu en public pendant dix jours. Une fuite d’enregistrements a révélé que des responsables de la santé publique exaspérés ont été confrontés à un premier ministre et à un ministre de la Santé qui ont ignoré leurs conseils, manifestement inquiets des effets économiques des stratégies qui auraient permis de maîtriser la pandémie.

Monsieur Kenney a admis qu’il ne mettra pas en place l’obligation de port d’un masque dans toute la province de peur de s’aliéner sa base de soutien antigouvernementale. Il a même pris pour bouc émissaire les communautés ethniques de Calgary pour l’augmentation du nombre de cas, mais n’a dit rien des centaines de manifestant(e)s anti-masques qui se rassemblent dans les hôtels de ville à travers l’Alberta. Son gouvernement a également essayé de cacher une modélisation interne qui montre les pressions croissantes que subissent les hôpitaux de l’Alberta. Et l’administration Kenney a dû faire appel à la Croix-Rouge et au gouvernement fédéral pour obtenir une aide d’urgence afin de mettre en place des hôpitaux de campagne, car le système hospitalier de la province est maintenant surchargé.

Alors que le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a reçu quelques éloges pour sa gestion de la première vague de COVID‑19, son gouvernement n’a pas du tout été préparé à faire face à la deuxième vague, malgré les avertissements. Un nouveau rapport du vérificateur général de la province révèle que la réponse de l’Ontario à la pandémie de COVID‑19 a été plus lente et plus réactive que celle des autres provinces et qu’elle a été entravée par « des retards et une confusion dans la prise de décision », les experts en santé publique jouant un rôle secondaire par rapport aux responsables gouvernementaux et politiques.

Le rapport accablant constate que les conservateurs de Ford ont écarté les expert(e)s, pris des décisions contraires aux recommandations en matière de santé publique, n’ont pas alloué de ressources suffisantes aux tests de santé publique et n’ont toujours pas obtenu les équipements de protection individuelle (ÉPI) nécessaires.

En Ontario, 61 % des décès liés à la COVID‑19 sont liés aux établissements de soins de longue durée. Des études et des analyses ont démontré que les établissements à but lucratif enregistraient davantage de flambées mortelles. À la fin du printemps et en été, les défenseurs et les politiciens ont appelé à une refonte de l’ensemble du secteur, mais au même moment, les lobbyistes de l’industrie ont lancé une campagne éclair. Au lieu de préparer les établissements de soins de longue durée à la deuxième vague de la pandémie, Ford s’est attelé à la préparation d’une législation visant à protéger les gestionnaires de ces établissements contre des poursuites judiciaires pour leur négligence.

La gestion de la pandémie par le premier ministre du Manitoba, Brian Pallister, a également été largement critiquée. Le Manitoba a désormais le taux d’infection à la COVID‑19 par habitant(e) le plus élevé du pays, ce qui lui a valu les plus vives critiques des expert(e)s de la santé concernant sa gestion de la pandémie. Après une première vague relativement modérée, Brian Pallister s’est empressé de faire de la province la première au Canada à relancer son économie. La province a fermé sa structure de réponse à la pandémie au cours de l’été, ce qui la rend mal préparée à faire face à la deuxième vague. Lorsque les cas de COVID‑19 ont commencé à monter en flèche, Brian Pallister a envoyé aux travailleurs et aux travailleuses en première ligne des milliers de masques périmés et a ignoré les conseils des médecins demandant plus de ressources de soins de santé. La province doit maintenant appliquer des restrictions publiques plus sévères parce qu’elle n’a pas tenu compte des avertissements et qu’elle s’est concentrée uniquement sur l’économie.

En Saskatchewan, la province a réagi à la crise de COVID‑19 comme ses voisins de l’Alberta et du Manitoba. La Saskatchewan a maintenant le troisième taux de cas de COVID‑19 le plus élevé du pays, derrière le Manitoba et l’Alberta seulement. Mais le premier ministre Scott Moe refuse d’obliger le port des masques par crainte de mettre en colère sa base rurale. Le premier ministre Moe a également passé la récente campagne électorale à dire aux gens que la province était hors de danger en ce qui concerne la pandémie, même si les modèles des expert(e)s ont montré le contraire. La deuxième vague frappe maintenant durement la province, et le gouvernement n’est pas disposé à faire les investissements nécessaires pour maîtriser la crise.

En outre, le programme de paie pour les héros de la Saskatchewan, une réponse à l’initiative du gouvernement fédéral pour soutenir les travailleur(euse)s essentiel(le)s, a laissé des millions de dollars sur la table. La province a eu droit à plus de 106 millions de dollars de financement, dont près de la moitié n’a pas été dépensée parce que le gouvernement a explicitement exclu de cette aide les travailleur(euse)s de plusieurs types de lieux de travail différents. La province dispose également d’un fonds de réserve de plus de 260 millions de dollars, mais refuse d’utiliser cet argent à bon escient.

De plus, la Saskatchewan a reçu un financement fédéral de 440 millions de dollars pour des mesures supplémentaires de lutte contre la pandémie. Bien qu’elle ait reçu cet argent pour la garde d’enfants et le soutien aux populations vulnérables, la province n’a pas encore mis en place de soutien financier pour ces secteurs et n’a donné aucune indication sur le montant disponible à dépenser.

Ces quatre premiers ministres ont choisi de s’immobiliser lors de la deuxième vague de COVID‑19. Ils continuent d’essayer de dépeindre la réponse à la pandémie comme un choix entre la protection de la santé publique et le soutien à l’économie, mais ils ont échoué sur les deux fronts. La meilleure façon de protéger l’économie est de prendre dès maintenant des décisions de santé publique difficiles, mais nécessaires, car plus vite nous maîtriserons le coronavirus, plus vite l’économie pourra rebondir.