Le stress thermique
Qu’est-ce que le stress thermique?
Quels sont les effets sur la santé?
Que pouvons-nous faire d’autre?
Le stress thermique : des solutions rafraîchissantes
Au sein des TUAC Canada nous reconnaissons que le changement climatique est un phénomène qui exige de nombreuses réponses.
Aujourd’hui, rares sont ceux qui contestent leur nécessité absolue. Mais certaines réponses semblent plus urgentes que d’autres, d’autant plus que les Canadiens ont vécu des étés parmi les plus chauds jamais enregistrés. Les travailleurs requièrent certes une protection accrue afin de prévenir le stress thermique au travail. Le choc provoqué par le décès d’un travailleur de boulangerie au cours de l’été 2001 rend évidente cette réalité.
Kim Douglas Warner, est décédé à l’âge de 44 ans des suites d’un coup de chaleur pendant qu’il faisait un quart de travail de 12 heures sous des températures estimées à 49º Celsius chez Weston Bakeries, une boulangerie industrielle implantée à Barrie (Ontario). Le manque d’eau et de pauses repos ont également contribué au décès. La température intérieure du corps de M. Warner avait atteint 42,5 ºC au moment de son décès. Finalement, deux ans et demi plus tard la compagnie Weston Bakeries était pénalisée d’une amende de 215 000 $ aux termes de la Loi sur la santé et la sécurité au travail.
Qu’est-ce que le stress thermique?
Le stress thermique est la réaction biochimique de notre corps à la chaleur extrême ou à un environnement chaud. La chaleur provient des environnements de travail chauds mais aussi de l’intérieur du corps. Plus le travail nécessite des efforts physiques, plus élevé se trouve le niveau de chaleur métabolique générée à l’intérieur du corps. C’est cette combinaison d’environnements de travail chauds et de travail manuel physiquement exigeant qui pose le plus grand risque pour la santé.
Transfert de chaleur
Pour rester en bonne santé, le corps doit maintenir une température interne constante d’environ 36 ºC à 38ºC, indépendamment des conditions externes. Pour ce faire, le corps puise la chaleur des aliments que nous mangeons (calories) et du travail musculaire que nous faisons ou la perd par la radiation et la transpiration. Il faut qu’il y ait équilibre entre les gains et les pertes de chaleur pour que le corps puisse maintenir cette température constante.
Pour la plupart des gens, la plage de températures de confort se situe entre 22 oC et 25 oC, pour une
plage d'humidité relative de 45 %. Cette plage n’est ni trop chaude ni trop froide.
À mesure que la température corporelle monte après une activité physique et/ou l’exposition à la chaleur, le débit sanguin cutané augmente, ce qui fait augmenter la température superficielle et permet à l’organisme de dissiper l’excès de chaleur par la peau sous forme de sueurs. L’évaporation de la sueur a pour effet de refroidir la peau, éliminant de grandes quantités de chaleur. Malheureusement, la transpiration ne refroidit pas le corps tant que l’humidité ne disparaît pas de la peau. Sous des conditions de forte humidité l’évaporation des sueurs est réduite, ce qui peut nuire sérieusement aux efforts de l’organisme pour maintenir une température interne acceptable. Les travailleurs qui sont exposés à une chaleur rayonnante excessive ou qui font un travail très exigeant physiquement ont du mal à maintenir une température intérieure acceptable. Quoi qu’il en soit, lorsque cela se produit nous disons que le travailleur souffre du « stress thermique ».
Qui est à risque?
Le décès de Kim Warner n’est pas un incident isolé. C’est l’un des quelque 220 cas de décès de travailleurs qui meurent chaque année du stress thermique professionnel au Canada et aux États-Unis. De plus, les scientifiques nous disent que la situation va s’empirer. Une étude publiée par le Bureau de santé publique de Toronto et par Environnement Canada prévoit que les cas de décès liés à la chaleur doubleront d’ici 2050 et tripleront d’ici 2080 en raison du réchauffement climatique.
Les membres des TUAC Canada les plus à risque comprennent ceux qui travaillent dans les boulangeries, les usines de transformation alimentaire, les conserveries, les restaurants et les buanderies où les températures peuvent atteindre des niveaux extrêmes, surtout au cours des mois d’été. Les personnes qui travaillent à l’extérieur comme les travailleurs agricoles, les travailleurs des parcs et loisirs et les paysagistes sont également exposées au stress thermique durant l’été.
Les travailleurs âgés, les travailleurs qui ont des problèmes de santé et ceux qui prennent certains types de médicaments sont également à risque élevé. Par exemple, les travailleurs qui prennent des médicaments pour contrôler leur tension artérielle risquent d’avoir des problèmes lorsqu’ils sont exposés à des températures élevées.
Quels sont les effets sur la santé?
Trop d’exposition dans un environnement de travail très chaud peut avoir une variété d’effets aigus sur la santé, parmi lesquels :
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Le coup de chaleur est la conséquence la plus grave. Il survient lorsque le système de régulation interne de l’organisme est défaillant. La transpiration devient alors inadéquate pour maintenir la température corporelle dans la plage normale. La température intérieure du corps monte. Les signes et symptômes comprennent les suivants : peau chaude et généralement sèche comportant des rougeurs ou des tâches, température au-dessus de 41ºC, confusion mentale, délire, convulsions ou perte de conscience. S’il n’est pas traité immédiatement, le coup de chaleur peut causer des dommages permanents à certains organes (cœur, cerveau, reins, etc.) ou le décès, comme dans le cas de Warner.
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L’épuisement par la chaleur est causé par la perte de grandes quantités de liquides par la transpiration (et parfois une perte excessive de sel) qui se produit lorsqu’on travaille sans arrêt sous des températures élevées. Un travailleur qui souffre d’épuisement par la chaleur continue à transpirer, mais ressent certains ou l’ensemble des symptômes suivants : faiblesse extrême, vertige, maux de tête, nausée, vomissement, crampes musculaires, essoufflement et engourdissement des mains ou des pieds.
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Les crampes de chaleur sont des spasmes musculaires aigus qui se manifestent chez les personnes qui transpirent abondamment sous l’effet de la chaleur, boivent beaucoup d’eau mais ne remplacent pas adéquatement le sel que perd le corps.
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La syncope, l’érythème calorifique et la fatigue passagère due à la chaleur sont également des conséquences de l’exposition prolongée à des températures élevées. La fatigue ‘passagère’ due à la chaleur est un état d’inconfort physique et mental/ affectif temporaire et très éphémère, qui peut causer une baisse dans la performance, la vigilance et les habitudes de travail sécuritaires.
Problèmes de sécurité
Le stress thermique peut aussi provoquer des problèmes de sécurité y compris des incidents résultant de l’embuage des lunettes de sécurité, de la transpiration des mains et du vertige. La vigilance mentale et la compétence physique peuvent aussi être affectées au fur et à mesure que monte la température, et l’inconfort accru suscite la colère, l’irritabilité et autres émotions négatives qui peuvent provoquer des incidents.
Effets chroniques sur la santé
Le stress thermique peut aussi avoir des effets chroniques sur la santé. Les travailleurs ayant souffert d’un coup de chaleur ou de l’épuisement par la chaleur sont souvent moins capables de tolérer la chaleur, parfois pour le reste de leur vie. Après de longues périodes de travail dans un environnement chaud, certains travailleurs souffriront d’un épuisement par la chaleur chronique tandis que d’autres travailleurs peuvent souffrir d’hypertension (élévation de la pression artérielle), de dommage au muscle du cœur, d’une libido réduite ou d’impotence sexuelle.
De quelle loi disposons-nous?
Le Canada ne dispose pas de lois ou de règlements spécifiques régissant l’exposition à la chaleur et le stress thermique qui en résulte. En l’absence de normes clairement prescrites, le gouvernement, par le biais du bureau du ministère du Travail, applique généralement des valeurs limites d’exposition (VLE) pour le stress thermique, qui sont définies par l’American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH). Les inspecteurs du ministère du Travail utilisent ces VLE comme ligne directrice pour l’application de la clause du devoir général de la législation, qui oblige les employeurs à prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs.
Par valeurs limites d’exposition au stress thermique, il faut entendre les conditions de stress thermique auxquelles presque tous les travailleurs peuvent censément être exposés de manière répétée sans effet nocif. Ces VLE se fondent sur l’hypothèse que les travailleurs sont complètement vêtus (ex. : pantalon et chemise légers) et ont une ingestion adéquate d’eau et de sel. Elles établissent également une distinction entre les travailleurs acclimatés et les travailleurs non acclimatés.
Malheureusement, ces hypothèses sont problématiques. En premier lieu, les travailleurs ne réagiront pas tous de la même manière au stress thermique. En second lieu, rares sont les travailleurs qui s’acclimatent. L’acclimatation est une série de changements physiologiques mesurables qu’une personne subit sur une période d’environ cinq à dix jours, lesquels sont censés permettre à l’organisme de se débarrasser de l’excès de chaleur. Une fois qu’il est acclimaté, le corps commencera à transpirer à des températures superficielles et corporelles plus basses, ce qui aura pour effet de réduire la charge thermique accumulée — et le stress. Mais, selon certains responsables gouvernementaux, « les épisodes de chaleurs durent rarement assez longtemps pour permettre à la plupart des travailleurs de s’acclimater. » Seuls les travailleurs qui font un « rude besogne » (par exemple pelleter du sable sec) ou qui sont exposés à une forte chaleur rayonnante pourraient possiblement être considérés comme acclimatés une fois que les temps chauds arrivent.
Les VLE de l’ACGIH posent un autre problème. C’est qu’elles s’appuient sur l’indice de température adiabatique du thermomètre mouillé, qui requiert l’usage d’un thermomètre à globe noir, d’un thermomètre à réservoir mouillé naturel (statique) et d’un thermomètre à réservoir sec. L’usage de ces instruments peut prêter à confusion, en plus d’être dispendieux et coûteux en temps.
Que pouvons-nous faire?
Pour aider à simplifier les choses, les Centres de santé des travailleurs (ses) de l’Ontario Inc. (CSTO) ont créé en 2003 un plan d’intervention fondé sur l’indice humidex, qui s’appuie sur les VLE de l’ACGIH. Ce plan, qui a été depuis lors adopté par nombre de lieux de travail à travers le Canada, consiste en un tableau affichant des valeurs humidex et des mesures à prendre pour chaque plage. Il prend pour acquis que le travail est modéré et comporte un degré nul sinon minimal d’exposition à la chaleur rayonnante (des instructions permettant de rajuster la valeur humidex pour la chaleur rayonnante à l’intérieur et à l’extérieur sont fournies) et que les travailleurs portent des vêtements réguliers d’été, qu’ils sont en bonne santé physique et acclimatés.
Pour calculer la valeur humidex, c’est-à-dire une combinaison de mesures de contrôle de la température et de l’humidité relative, les CSTO recommandent d’utiliser un hygromètre thermique (type de thermomètre), qui coûte entre 20 et 60 $ dans une quincaillerie. Ils fournissent également un tableau pour aider à calculer la valeur humidex finale. Les CSTO ont également mis au point une calculatrice électronique accessible en ligne afin de faciliter la tâche.
Que pouvons-nous faire d’autre?
Comme de nombreux autres dangers, il est possible au moins de prévenir les risques de stress thermique intérieurs. Cette prévention peut se faire à la source, entre la source et le travailleur, et au niveau du travailleur. La prévention du risque à la source est la meilleure façon de réduire ou d’éliminer les facteurs de stress thermique. Une meilleure conception des bâtiments et des systèmes de refroidissement de l’air utilisant des sources d’énergie renouvelable réduisent tant les risques pour le travailleur que les émissions de gaz à effet de serre que favorisent les temps chauds. La mécanisation ou l’automatisation de certaines méthodes de travail et une meilleure isolation des appareils comme les fours et les fournaises aident aussi à contrer le stress thermique.
L’évacuation de l’air chaud et de la vapeur produits dans le cadre des activités d’exploitation et l’installation de ventilateurs aideront à répondre au problème de chaleur entre la source et le travailleur. Cependant, les ventilateurs servent très peu lorsque les niveaux d’humidité relative dépassent 70 %, l’évaporation se produisant dans une très faible proportion. En outre, si la température de l’air et la température superficielle sont les mêmes (36ºC) ou plus élevées, l’air en mouvement peut, en effet, faire monter la température corporelle, surtout si le niveau d’humidité est élevé.
Pour la plupart des risques, la prévention au niveau du travailleur est la plus souhaitable. Mais pour ce qui est du stress thermique, notamment dans le cas des personnes qui travaillent à l’extérieur, la prévention au niveau du travailleur est souvent la seule option qui existe. Ces mesures de prévention comprennent :
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Le port de vêtements amples et légers pour les conditions de chaleur moins extrême, de vêtements refroidis à l’eau ou à l’air pour les conditions de chaleur extrême, et de vêtements réflecteurs pour les conditions de forte chaleur rayonnante;
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Les mesures de prévention administrative où les horaires de travail sont conçus de manière à faire exécuter les rudes travaux au moment le plus frais de la journée, à accroître le nombre de travailleurs pour les rudes tâches, à ralentir le rythme de travail ou à reporter carrément les travaux non essentiels;
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Des efforts pour éviter de travailler directement à la lumière du soleil;
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Des pauses fréquentes dans des endroits frais;
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Des efforts pour rendre de l’eau potable fraîche (de l’eau légèrement salée dans les situations de chaleur extrême) accessible aux travailleurs.
Dans le cas des pompiers, une récente étude financée par la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail a révélé que la submersion de l’avant-bras dans l’eau à une température de 18 ºC ou moins est une intervention efficace durant les périodes de repos.
Toutes les interventions devraient évidemment se faire dans le contexte des politiques et procédures pertinentes de surveillance et de prévention du stress thermique élaborées par le comité mixte sur la santé et la sécurité, idéalement à l’avance d’une vague de chaleur.
Il est également impératif de former les travailleurs pour qu’ils reconnaissent les signes et les symptômes du stress thermique et de mettre en place un système collectif qui les aidera à les identifier.
Veuillez consulter le Web Campus des TUAC Canada pour obtenir des détails sur des cours sur le stress thermique.
En l’absence de mesures pertinentes de prévention du stress thermique ou de réponse aux inquiétudes exprimées, les travailleurs devraient en dernier recours exercer leur droit de refuser un travail dangereux conformément à la législation en matière de santé et de sécurité de leur province ou à la partie 2 du Code fédéral. Ce n’est pas seulement un bon conseil — mais une recommandation qui peut littéralement sauver des vies.
Plan d’intervention fondé sur l’indice humidex des CSTO |
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Humidex |
Réponses |
25 ºC à 29 ºC |
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30 ºC à 33 ºC |
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34 ºC à 37 ºC |
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38 ºC à 39 ºC |
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40 ºC à 42 ºC |
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43 ºC à 44 ºC |
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45 ºC ou plus |
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Calculatrice pour le facteur humidex : |
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Remarque : Visiter les TUAC Canada à l’adresse suivante : www.tuac.ca |
NOTE DE LA RÉDACTION :
Nous tenons à remercier le Centre de santé et sécurité des travailleurs et travailleuses de l’Ontario pour cette publication